Sabine Devieilhe C
Salle Gaveau • Paris • 29/04/2014
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Est-ce pour se renouveler ou pour gagner un public plus large? Alexis Kossenko et Sabine Devieilhe ont mâtiné de Vivaldi le programme Rameau de leur disque. Moins de Rameau donc, mais une intéressante succession de pièces enchaînées presque en continu. Les pièces instrumentales sont courtes et servent de transition plus que de plages de repos pour la chanteuse, qui reste debout en scène au milieu des musiciens. Position qu'elle affectionne certainement, car sa musicalité et son écoute ne sont jamais prises en défaut, en une belle fusion avec l'ensemble Les Ambassadeurs.
Malgré l'absence de grands airs, le public est ravi. Servi par un effectif orchestral réduit, le programme n'est pourtant pas incandescent. Les airs relèvent davantage de ces ariettes à base d'"amours" et de "zéphyrs", plus à même de ponctuer des danses que d'éveiller les passions. Mais l'écriture de Rameau y gagne en lisibilité ce qu'elle perd en ampleur et atmosphère. Le seul morceau de bravoure est l'air de la Folie de Platée, autrement mieux chantée qu'en mars à l'Opéra Comique. Ses deux parties sont séparées par une miette d'Indes Galantes. L'amour est le fil conducteur, mais était jusque là un "tendre amour" un peu fade. Avec une parfaite sûreté vocale, Sabine Devieilhe se permet quelques folies dans l'aigu, le grave ou le phrasé.
Tout au long de la soirée, Sabine Devieilhe témoigne d'ailleurs de sa maîtrise du grave en voix de poitrine. Il est même un peu étrange de l'entendre vocaliser et orner son grave à la manière de son aigu, alors que les chanteuses restent généralement plus sages dans ce registre. il est en tout cas certain qu'elle ne se retrouvera pas enfermée et frustrée par un répertoire restreint de soprano colorature.
En seconde partie, Vivaldi convainc moins. Le compositeur distille un ennui mécanique rarement éprouvé à ce point, signe que les interprètes de ce soir ne lui insufflent pas l'excitation nécessaire à transcender sa simplicité d'écriture. Alexis Kossenko convainc certes davantage dans le concerto pour flautino en do majeur RV443 que Zefira Valova dans le concerto pour violon en ré majeur "Grosso Mogul" RV208, où sa partie relève plus d'un sketch dont le protagoniste tenterait en vain de scier son violon ou de monter des blancs en neige, mais même la parfaite technicienne qu'est Sabine Devieilhe ne rend guère plus intéressant le Laudate pueri RV601. De même que l'air de la Folie réveillait enfin la première partie, l'air de Vivaldi "In furore" réveille in extremis la deuxième, avant un unique joli bis, l'air "Sospirando, lacrimando" de Lotti.
Alain Zürcher