Ali Baba
Opéra Comique • Paris • 22/05/2014
Choeur accentus / Opéra de Rouen Haute-Normandie
Chef de choeur : Christophe Grapperon Chef de chant : Christophe Manien Orchestre de l'Opéra de Rouen Haute-Normandie Jean-Pierre Haeck (dm) Arnaud Meunier (ms) Damien Caille-Perret (d) Anne Autran Dumour (c) Nicolas Marie (l) |
|
Après l'Ali Baba de Cherubini à l'Athénée en 2011, on découvre l'Ali Baba de Charles Lecocq à l'Opéra Comique. Loin du délire du Docteur Miracle qui lui avait valu le premier prix ex-aequo (avec Bizet !) d'un concours d'opérettes organisé en 1856 par Jacques Offenbach, il s'agit ici d'une musique bien sage sur un livret bien sage. La défaite de 1870 serait passée par là, l'heure n'étant plus à la gaudriole ! Les travers de la classe marchande y sont quand même gentiment moqués, puisque Cassim n'est intéressé que par l'argent tandis qu'Ali est généreux à proportion de sa pauvreté. Les bons sentiments triompheront ! Charles Lecocq est surtout connu pour sa Fille de Mme Angot de 1872, sans oublier sa Camargo et son Petit Duc de 1878.
La gentillesse sans saillies du livret est encore amplifiée par une mise en scène qui ne distille la folie qu'avec parcimonie : par exemple quand un voleur émerge de son tonneau en mangeant un banane au lieu de brandir une arme, ou toute la scène géniale de Zobéide dans son hamac ! Christianne Bélanger campe une époustouflante mégère séductrice, malgré une diction parlée parfois perfectible. La liberté sans apprêts de son jeu, son humour sans peur du ridicule ne rappellent pas par hasard Marie-Nicole Lemieux, puisque toutes deux sont québécoises !
Cassim et Ali sont caractérisés avec justesse et présence, tandis que le jeu de plusieurs autres chanteurs relève d'un style traditionnel plus convenu, qui aurait pu gagner en humour, en second degré. Le commis par exemple est certainement dans son rôle, celui d'un personnage faux à l'affabilité de pure façade, mais son jeu caricatural et extérieur laisse une sensation de malaise. L'excellente Sophie Marin-Degor est tonique dans son personnage mais sa gestuelle "à l'ancienne" accentue la mièvrerie de la pièce. Son émission vocale parfois légèrement forcée est en même temps remarquablement efficace. Tous sont d'ailleurs vocalement à la hauteur de leurs emplois, et le choeur est excellent.
L'action est plantée dans un temple de la consommation des années 50, un grand magasin avec ses escalators, ses enseignes, ses réclames. Plus tard apparaissent hôtesses de l'air et autres symboles de l'époque.
L'oeuvre et sa mise en scène semblent plus riches après l'entracte, sans cependant la folie souvent associée aux dernières représentations. il est vrai que celle-ci était dédiée à un technicien qui venait de décéder. Parmi les numéros intéressants, un amusant quintette ("Pauvre Cassim, il est parti !") qui rappelle le trio des cartes de Carmen, une scène de séduction très réussie entre Zobéide et Ali, suivie d'une belle scène entre Ali et Morgiane puis d'un bel air d'Ali digne d'un opéra de Gounod ou Bizet. Enfin, la danse du sabre nous apprend que le chef des brigands est aussi acrobate !
À écouter mardi 3 juin à 20h sur France Musique.
Alain Zürcher