Messiah O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 10/04/2009
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Après ses triomphes dans Vivaldi, il était logique que Jean-Christophe Spinosi fasse aborder Haendel à l'ensemble Matheus. Après la reprise d'Alcina au Palais Garnier fin 2007, c'est le tour de l'oratorio vedette du Saxon, le Messie. Il s'agit aussi du troisième oratorio de Haendel donné au TCE en l'espace de dix jours, anniversaire Haendel oblige : 250 ans nous séparent de sa mort.
Nous assistons ce soir à la version de concert de représentations données à Vienne début avril dans une mise en scène de Claus Guth, à voir sur Arte lundi 13 avril 2009 à 20h45. La distribution vocale est cependant en grande partie nouvelle et ne profite donc pas du travail scénique effectué à Vienne. Elle est aussi pour le moins hétéroclite.
Nous retrouvons Jennifer Larmore, partenaire privilégiée de l'ensemble Matheus depuis leur rencontre pour Orlando furioso, mais hélas amaigrie et ayant perdu tout soutien vocal et même ses "zygomatiques" et son timbre, qui n'est plus du tout charnu comme encore en 2004 au Châtelet. Ne pouvant plus tenir une note, elle chante souvent bas, ou s'arrête même de chanter quand elle se rend compte qu'elle commence à fausser. Dans la partie rapide de "But who may abide", elle court derrière ses vocalises et manque d'énergie. Elle se sort mieux de "He was despised", tout de même ennuyeux par son tempo très lent et son absence d'excitation vocale, mais cela permet à Jennifer Larmore de jouer uniquement sur la sincérité de l'émotion, comme d'ailleurs ensuite Topi Lehtipuu dans "Thy rebuke".
Cornelia Horak ouvre énormément la bouche, ce qui nuit à la définition de ses voyelles et donc à la compréhension de son texte. Cela ajoute aussi souvent du souffle sur sa voix, jusqu'à la nimber d'un flou où la justesse disparaît aussi, sur une note de "Rejoice" ou sur "tidings" dans "How beautiful are the feet". Elle concentre mieux son émission au début de "I know that my redeemer liveth", mais exhale la fin dans un timbre mêlé de souffle.
Impressionnant de méchanceté dès son "Thus saith the Lord", Florian Boesch sait aussi chanter plus doucement, même en voix blanche expirée sur "[shadows of] death", sans doute chanté exprès comme une ombre - jusqu'à baisser lui aussi, décidément la malédiction de la soirée ! Il ne gère par contre pas tous les degrés intermédaires entre le fortissimo et le pianissimo, et ne sait pas tenir une longue phrase sans respirer. Ses passages les plus sonores ne sont pas exempts de dureté et de tensions. Le Messie est pour lui l'occasion de s'exercer aux airs de "rage" haendeliens. "Why do the nations" est pris à un tempo d'enfer où les vocalises deviennent des "tremblés", mais cela fonctionne. Dans "The trumpet shall sound", en guise de variations en reprise, il chante simplement encore plus fort et plus méchamment. Pour sonner encore plus vilain, il chante tous ses "a" comme des [æ]. S'il perd un jour sa voix, il pourra toujours se reconvertir à Hollywood dans les rôles de méchant !
Topi Lehtipuu ne se laisse gagner par l'excitation que pour "Thou shalt break them", au grand plaisir de Jean-Christophe Spinosi. Il a cependant moins de mordant que Florian Boesch dans ce style d'interprétation. Parfois trop larges en gorge, ses notes sont alors articulées mollement en laissant passer de l'air. Mais il se sort bien de ses autres airs, chantés avec sobriété.
Jean-Christophe Spinosi a gagné en conception d'ensemble de l'architecture d'une oeuvre, ce qui est indispensable pour un oratorio de cette envergure. Orchestre et choeur sont excellents. Après avoir manifesté une clarté et une précision remarquables, le choeur était cependant moins précis et tonique en dernière partie.
À noter que ce concert a peut-être battu le record de nombre de sonneries de téléphones mobiles ! Au moins quatre bien audibles, bien réparties tout au long de la soirée et assez bien synchronisées avec les passages piano et les silences de la partition.
À écouter ultérieurement sur France-Musique.
Alain Zürcher