L'Amour des Trois Oranges
Opéra • Massy • 25/11/2010
Orchestre de Massy
Choeur de l'Opéra-Théâtre Helikon de Moscou Chef de choeur : Denis Kirpanev Dominique Rouits (dm) Dmitri Bertman (ms) Edwald Smirnof (chg) Igor Nezhny (d) Tatiana Tulubieva (c) Damir Ismagilov (l) |
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L'Opéra de Massy accueille à nouveau l'excellente troupe Helikon de Moscou, avec laquelle il a tissé des liens privilégiés depuis dix ans. Comme en 2007 dans Boris Godounov et Lady Macbeth, la jeune école de chant russe déploie ses talents, avec la qualité supplémentaire apportée par un travail de troupe. Le plus étonnant dans la réussite de ce soir, c'est que l'orchestre de Massy, dirigé non par un des chefs d'Helikon mais par son fondateur Dominique Rouits, est arrivé, en un nombre de répétitions forcément réduit, à une symbiose totale avec le plateau, et cela dans une oeuvre loin d'être facile, qui ne constitue le fond de répertoire d'aucun orchestre français. Prokofiev explose et pétille avec une précision d'ensemble et une qualité instrumentale remarquables.
Le propre d'un travail de troupe est qu'on n'a aucune envie d'y distinguer tel ou tel chanteur, puisque le niveau de la prestation de chacun découle de celle de tous. On remarque seulement que le rôle du Prince présente des aigus tendus et qu'il est donc heureux que Vasily Efimov et Dmitry Ponomarev se partagent les représentations. Marina Kalinina sonne un peu aigre mais ne chante qu'une ou deux phrases. Alexey Dedov est une basse truculente dans son rôle de cuisinière. Vadim Zaplechny, un des fondateurs d'Helikon, déploie l'abattage scénique et vocal qu'on lui connaît. Tous combinent des qualités d'acteurs et de chanteurs - et ce soir aussi de danseurs ! Le choeur semble un vivier de talents prometteurs que n'importe quel "opera studio" envierait.
Comme toujours pour ses tournées, Helikon prévoit des décors et accessoires astucieux et légers. Le fond du plateau accueille des écrans vidéo. Ceux-ci diffusent l'un des spectacles conçus par Trouffaldino pour faire rire le Prince : des séquences où des parlementaires (russes?) en viennent aux mains. Le reste du plateau est nu, seules y sont apportées de ces grandes caisses sur roulettes où l'on stocke le matériel scénique. Horizontales, verticales, ouvertes, fermées, dépliées, retournées, elles sont l'objet de toutes les utilisations possibles et suscitent des gags mais aussi des espaces scéniques intéressants.
L'action des deux premiers actes est rapide et complexe, les acteurs sont nombreux et le plateau de Massy paraît tout à coup presque petit pour ce déferlement. Le jeu des acteurs et leurs costumes suffisent à peine à faire comprendre qui est qui et surtout qui est allié avec qui et désire quoi. Mais on se laisse emporter sans réserves par cette fable, qui se décante au troisième acte, centré sur les trois oranges du titre.
À voir à l'opéra de Massy les 16 et 18 mars.
Alain Zürcher