Mélodies de Poulenc R
Opéra Comique • Paris • 17/03/2013
Marine Thoreau La Salle, piano Bertrand Halary, piano |
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Parallèlement aux représentations de La voix humaine de Poulenc, l'Opéra Comique a la bonne idée de présenter une intégrale des mélodies de Poulenc. Déjà appréciés dans Ciboulette, les chanteurs sont ceux de l'Académie créée cette saison pour développer la formation au répertoire spécifique de l'Opéra Comique. La maîtrise de la mélodie française en fait naturellement partie !
Le choix du foyer plutôt que de la salle Bizet dessert par contre ces mélodies, car son acoustique très réverbérante nuit à la clarté des paroles. Mais cette clarté dépend aussi des voix : le texte des deux ténors de ce matin passe mieux, et le jeu de Marine Thoreau La Salle, plus léger et délié, crée également moins d'interférences avec la résonance de la voix de Safir Behloul qu'elle accompagne. Même dans Aussi bien que les cigales, mélodie chantée avec plus d'ampleur, leur duo reste clair, sonore sans confusion.
Faciles de tessiture pour les ténors, les mélodies choisies sont plus tendues pour le baryton, à qui Poulenc demande en outre souvent de chanter des aigus sur "i" ! Ronan Debois chante les Cinq poèmes de Ronsard, dont un Je n'ai plus que les os très bien déclamé et un À son page dont la vivacité syllabique souffre de la réverbération. Il interprète ensuite les Quatre poèmes d'Apollinaire avec une grande qualité d'articulation, d'une voix claire et sans voile.
À sa suite, Patrick Kabongo Mubenga chante un Parisiana parfait de diction, d'une émission directe et souple à la fois, avec des aigus faciles et homogènes. Dans la suite de son programme, on ne note que quelques tensions passagères qui génèrent un vibrato irrégulier, par exemple dans à sa guitare. Il conclut par un Toréador dont il révèle brillamment toutes les facettes.
Safir Behloul impose comme dans Ciboulette sa présence désarmante. Sa voix est pleine et sonore, avec un remarquable sens de la déclamation et du phrasé. Après de superbes Cocardes et Calligrammes, les amusantes Quatre chansons pour enfants (Nous voulons une petite sœur, La tragique histoire du petit René, Le petit garçon trop bien portant, Monsieur Sans-Souci) lui vont bien sûr très bien, même s'il en a tout juste appris les prolifiques paroles.
Le 20 mars, Cécile Achille met sa voix claire au service de mélodies parfois bavardes (Cinq poèmes de Max Jacob et une Reine des mouettes un peu précipitée), parfois belles et calmes (C'est ainsi que tu es au beau legato).
Olivier Déjean, avec ses airs de jeune homme de bonne famille, est très convaincant dans les Chansons gaillardes, une des facettes de Poulenc. Sa voix y réussit un excellent alliage de "creux" profond et de brillant, favorisant la compréhension du texte, qui souffre ailleurs (La fraîcheur et le feu d'Éluard...) d'une émission parfois un peu cravatée.
Le 29 mars, Geoffroy Buffière impose sa voix très sonore, au métal puissant, qui doit faire merveille sur scène mais noie ici parfois le texte dans l'enrichissement du timbre. Bernac ne reprochait-il pas déjà à Souzay de faire du "son", de privilégier la voix sur le texte? Quand Geoffroy Buffière pousse un peu trop sa voix, c'est aussi au détriment de la justesse, mais seulement au début de son programme, comme tout chanteur qui veut "assurer". Après en avoir fait encore trop dans Pierrot, il détend ensuite son émission, au grand bénéfice du texte. Hymne d'après Jean Racine lui va très bien, comme Mazurka d'après Louise de Vilmorin.
La voix plus légère de Sandrine Buendia est parfaitement adaptée à la mélodie. Expressive et phrasant bien, elle fait comprendre chaque mot des poèmes. On remarque le joli Hier d'après Louise Lalanne et les suaves Mon cadavre est doux comme un gant et Fleurs d'après Louise de Vilmorin.
Ces récitals sont émaillés d'extraits de la Correspondance et du Journal de mes mélodies de Francis Poulenc. C'est aussi l'occasion pour les chanteurs de passer du parlé au chanté, pierre angulaire de l'opéra comique !
L'intégrale des mélodies de Poulenc est à écouter jusqu'au 29 mars à l'heure du déjeuner à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher