Die Zauberflöte
Orchestre Régional de Cannes, Provence Alpes Côte d'Azur
Choeur Sipario Chef de choeur : Bernard Mabille Antonello Allemandi (dm) Petrika Ionesco (ms) |
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Le Festival de Lacoste a été créé par Pierre Cardin dans les carrières voisines du château qu'il y a restauré, dans le superbe environnement du Lubéron. Redécoupées dans le calcaire en fonction des besoins d'un festival, ces carrières offrent un beau cadre qui garde un aspect brut. Aucune ville proche, le ciel étoilé est donc superbe et les grillons s'en donnent à coeur joie. L'atmosphère est bien là pour passer une excellente soirée.
Hélas, ce que l'on montre dans ce site est encore un peu hétéroclite, étrange mélange de prestige et d'amateurisme. Si les chanteurs ont été bien choisis et sont de bon niveau, ils n'ont pas réalisé le travail théâtral approfondi qu'un espace scénique réduit permet et requiert. Petrika Ionesco a peut-être des idées quand il s'agit de mettre en scène des productions grandioses, mais le cadre intime de Lacoste demandait un travail plus fin et cohérent. Quelques piètres éléments de décor et de laids éclairages ne mettent pas en valeur un cadre qui pourrait pourtant être magique.
Les chanteurs ne sont aucunement portés par l'orchestre, qu'Antonello Allemandi ne tire pas de sa mollesse. Le public est très "jet set" mais son enthousiasme on ne peut plus tiède. Le programme est truffé de fautes d'orthographe dans les noms des chanteurs et le festival ne semble pas posséder de site internet. Dernier élément perturbant, si les techniciens doivent parler tout au long du spectacle, la régie devrait être vitrée et insonorisée.
L'acoustique correcte renforce les basses et les voix passent bien. Hélas, les récitatifs sont donnés en français et amplifiés. Les chanteurs n'y semblent pas très à l'aise, allant parfois jusqu'à plaquer sur le français les intonations des phrases allemandes qu'ils doivent mieux connaître.
La scène offre peu de profondeur. Deux découpes dans la pierre offrent une entrée de chaque côté. Des arbustes en pot, quelques chaises et des volcans en carton qui flambent et fument constituent l'unique décor, en phase avec une mise en scène kitsch et attrape-tout, qui atteint parfois au burlesque, à l'instar de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff dans leur Enlèvement aixois.
On a jugé nécessaire de distribuer une feuille aux spectateurs pour leur expliquer que Tamino est un étudiant en vacances dans le Lubéron (!) qui rentre dans son jeu vidéo... Pourquoi pas, si au moins l'idée avait été menée jusqu'au bout !
Vêtu d'abord de vêtements quotidiens, il réapparaît au second acte en vêtements de ville (Pierre Cardin)?
Le serpent est une pin-up en justaucorps et les trois enfants sont aussi très craquants. Ils traversent la scène dans une machine à pédales amusante et poétique, qui aurait pu donner le ton de toute une production plus onirique.
Les trois dames sont des vamps style Louise Brooks qui jouent au golf et offrent l'occasion d'une autre présentation de mode. Vocalement excellentes individuellement, elles ne chantent hélas pas toujours ensemble.
La Reine de la Nuit arrive quant à elle affublé d'une guirlande clignotante, blanche sur sa robe noire. Peut-être une vraie guirlande de Noël multicolore aurait-elle au moins été drôle?
Le premier air de Sarastro comme l'ouverture beaucoup trop lente du second acte sont l'occasion de jeux de scène inutiles de la part de comparses. Bien sûr, on n'attendait pas la beauté de la production de Robert Wilson à la Bastille, mais on est bien loin de l'intelligence apportée par Lukas Hemleb à Massy en janvier avec les élèves du conservatoire, dans une production encore plus légère. La flûte enchantée de Tamino attire par contre ici les mêmes hommes à têtes d'animaux en carton que la très laide production du Staatsoper de Vienne.
Petrika Ionesco fait surjouer Evgheni Alexiev d'une manière qui ne lui est pas du tout naturelle. Cet excellent chanteur n'a pas ou pas encore le tempérament et le style d'un Papageno.
Éric Laporte est un remarquable et solide Tamino.
Correcte dans "O zittre nicht", Ikumu Mizushima adopte trop tôt dans ses aigus les ouvertures buccales ne convenant qu'au suraigu. Dans "Der Hölle Rache", ses aigus sont ainsi un peu ouverts et clairs.
Suren Shahi-Djanyan ânonne "O Isis und Osiris" avec beaucoup de reprises de souffle et peu d'esprit. "In diesen heiligen Hallen" est tout aussi vide de substance et ennuyeux. Sa voix n'est pas encore tout à fait libérée et ses aigus sont un peu empâtés. Il est vrai que l'orchestre ne le porte pas non plus !
Sandrine Piau a une voix légère pour le rôle mais bien adaptée au cadre intime des carrières. Elle au moins ressent et traduit magnifiquement les émotions de son personnage. Son "Ach ich fühl's" est superbe, malgré le vague tapis plein de trous que lui offre l'orchestre. Le tempo est si distendu qu'on a parfois l'impression que les musiciens ont cessé de jouer pour aller prendre un verre au bar.
Francisco Almanza est un excellent Monostatos. Ayant déjà un physique de videur et un timbre assez ingrat, il n'est pas nécessaire de lui en faire faire des tonnes pour qu'il caractérise parfaitement son personnage.
Cassandre Berthon est une charmante Papagena qui apporte un entrain bienvenu.
Excellent dans le grand choeur à Isis, Sipario s'affirme moins nettement dans les départs de ses interventions plus courtes.
Une telle production évoque davantage le festival de Saint-Céré que celui d'Aix-en-Provence, tout en étant dépourvue de son atmosphère sympathique et enthousiaste. Le cadre naturel et intime des carrières pourrait pourtant accueillir des productions plus poétiques et/ou un travail de troupe plus approfondi, à l'image de ce que l'on peut voir au Kammeroper de Vienne ou parfois au Drill Hall de Londres. On attend donc la suite avec curiosité et impatience.
Alain Zürcher